Depuis janvier 2025, les Antilles françaises ont adopté Doctolib comme un réflexe : 186 000 rendez-vous pris en ligne au premier trimestre, contre 116 000 un an plus tôt, soit une envolée de 60 %. Pendant que les secrétariats traditionnels s’effacent, la plateforme, quasi incontournable, s’impose comme le guichet unique de la santé ultramarine (RCI.fm).
Le phénomène n’est pas qu’une question de chiffres : il reflète un basculement des habitudes. Chaque mois, 7 000 nouveaux patients s’inscrivent — populations de Pointe-à-Pitre, Baie-Mahault, Fort-de-France en tête — pour atteindre 228 000 utilisateurs cumulés. Parmi eux, les 25-34 ans constituent le noyau dur, prenant souvent des rendez-vous au nom de leurs aînés (plus d’un tiers des prises). Résultat : les salles d’attente numériques bourdonnent de consultations de médecine générale (69 000 actes), mais aussi d’ophtalmologie, de gynécologie, de kiné ou d’infirmier.
Cette ruée vers le digital s’explique : face à la réduction des permanences physiques dans les cabinets, la dématérialisation séduit praticiens et patients. Les médecins, eux-mêmes, multiplient leurs créneaux Doctolib : ophtalmos, gynés, pédiatres ou sages-femmes rivalisent désormais de disponibilité en ligne. L’outil, ergonomique, offre une visibilité immédiate des plages libres, écrase les délais d’attente et libère les assistants médicaux d’une paperasse chronophage.
Pour les Antilles, souvent pointées du doigt pour leurs déserts médicaux et leurs coups de fils restés sans réponse, Doctolib fait office de bouffée d’oxygène. Le système collecte et redistribue les créneaux vacants, floute les frontières géographiques : un habitant de Baie-Mahault peut dénicher un rendez-vous à l’autre bout de l’île en quelques clics. Le tout sans décrocher son téléphone : une révolution silencieuse qui redessine l’accès aux soins.
Pourtant, la téléconsultation reste timide : à peine 2 700 actes en 2024, dont un peu plus de 1 300 en Guadeloupe et autant en Martinique.(Zay Actu).
Preuve que l’outil, s’il facilite la prise de rendez-vous, ne remplace pas encore le face-à-face. Mais les tendances sont là : les femmes, 67 % des usagers, plébiscitent le service pour elles-mêmes et pour leur entourage, confirmant l’ancrage du réflexe numérique dans le quotidien.
Du côté de Doctolib, on se félicite : « Notre mission est de simplifier l’accès aux soins », rappelle l’entreprise. Mission accomplie ? Pour l’instant, oui : la plateforme s’est invitée dans les smartphones antillais comme une application vitale. Mais le défi reste d’assurer la continuité : renforcer la couverture en zones rurales, élargir l’offre de spécialités, convaincre les praticiens réticents.
Car derrière la croissance vertigineuse se profile une question majeure : qu’adviendra-t-il quand le taux de saturation sera atteint ? Les rendez-vous trouveront-ils encore des plages libres ? Les inégalités d’accès basculeront-elles vers une fracture numérique, où les moins connectés resteront à la traîne ? Pour l’heure, Doctolib surfe sur une vague de succès, dopée par l’urgence et l’habitude ; mais l’après-boom exigera sans doute des ajustements pour que la révolution digitale ne laisse personne au bord du chemin.
La Rédaction d’Opinion Internationale