
La Polynésie française condamnée à verser 127 millions de francs CFP pour occupation illégale des Grottes de Mara’a
Trente-six ans de procédure, des décisions annulées, des recours en cascade… et une addition finale salée pour la Polynésie française. La Cour administrative d’appel de Paris vient de condamner le Territoire à indemniser à hauteur de 127,1 millions de francs CFP la famille Maiti a Faura, propriétaire historique de terres occupées sans titre par les autorités au pied des grottes de Mara’a, à Paea.
Tout avait commencé en 1989. Dans un élan de mise en valeur touristique, le Pays lançait des travaux de sécurisation et d’aménagement autour des grottes. Sans expropriation préalable, il avait fait construire une route et deux parkings sur une parcelle privée adjacente, partiellement remblayée. En 2009, seul le terrain directement concerné par les grottes avait fait l’objet d’une expropriation officielle. Le reste, occupé depuis deux décennies, restait juridiquement en suspens.
C’est un héritier de la famille Maiti a Faura qui enclencha la contre-offensive judiciaire. D’abord débouté en 2014, il obtint finalement gain de cause en appel en 2018. La justice reconnaît alors que la parcelle litigieuse, inscrite au nom de la famille depuis 1853, n’a jamais été légalement soustraite à ses propriétaires. La Cour de cassation, saisie ensuite par le Pays, refusa de casser la décision.
Malgré cette reconnaissance, le litige s’enlise. Le gouvernement tente alors de régulariser la situation à sa manière : deux enquêtes publiques sont lancées en 2020, suivies d’une déclaration d’utilité publique en 2021. Trop tard, tranche aujourd’hui la justice. Car l’occupation était bel et bien irrégulière jusqu’à cette date.
Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris est formelle : la terre Vainahoa (ou Papenahoa) s’étendait jusqu’à la mer, comme l’attestent plans cadastraux, procès-verbaux de bornage de 1928, et photographies aériennes. La parcelle AV14, sur laquelle la route et les parkings ont été implantés, appartenait bien à la famille depuis l’origine.
La décision du tribunal administratif, qui avait rejeté la demande d’indemnisation en 2023, est donc annulée. Le Pays devra verser 127,1 millions de francs CFP aux ayants droit de la famille Maiti a Faura. Une somme qui sanctionne trois décennies d’occupation sans titre, et un dossier foncier traité avec une légèreté qui risque désormais de coûter cher aux finances publiques.
Patrice Clech