Opinion Outre-Mer
06H24 - jeudi 22 mai 2025

Davy Rimane : la seule urgence est de se mettre à l’écoute de tous et de prendre des mesures adaptées à chacun des 12 territoires des Outre-mer.

 

Monsieur Davy Rimane, merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Outre-mer et Opinions internationale. Vous êtes député de Guyane et président de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale.

Vous vous êtes rendu en Nouvelle-Calédonie, sur les pas oserais-je dire de la visite du ministre d’Etat, ministre des Outre-mer, Manuel Valls. Quelle situation politique y avez-vous trouvé et qu’avez-vous pensé de l’échec des pourparlers pour tenter de trouver un accord politique entre les différentes parties ?

En effet, je reviens d’un déplacement de plusieurs jours en Nouvelle Calédonie Kanaky – où j’ai pris le temps d’échanger avec les acteurs sur place (politiques, associatifs, institutionnels). S’il est vrai que la situation politique est pour le moins complexe, nous avons cependant des raisons de demeurer optimistes car si l’attention médiatique des derniers jours s’est avant tout portée sur les divergences opposant indépendantistes et non-indépendantes, je peux vous assurer que des points de convergences existent. L’absence de signature lors du conclave de Dèva ne doit donc pas être vue comme un échec mais comme une étape, car la volonté des partis politiques d’aboutir à un accord est présente, et partagée. D’autres étapes suivront. Espérons collectivement qu’elles aboutissent à un accord. 

 

Gérald Darmanin a annoncé l’installation d’une prison de haute sécurité en Guyane pour les trafiquants de drogue. Laurent Wauquiez avait déjà proposé de mettre en détention à Saint-Pierre-et-Miquelon les étrangers sous OQTF. Que pensez-vous de ces deux initiatives ?

Les deux personnalités que vous évoquez n’ont strictement aucune connaissance profonde ni aucune compréhension des Outre-mer. Ces propositions sont totalement inacceptables tout autant qu’insultantes pour nos populations et nos territoires. Mais ces démarches en disent long sur le regard que l’État porte sur nos territoires. Cela traduit une distance croissante entre l’hexagone et les territoires ultramarins.

Cela me préoccupe tout particulièrement car ces paroles et ces attitudes méprisantes accélèrent un phénomène déjà à l’œuvre de fracturation, dont le point de non-retour me paraît proche. Et ce d’autant plus qu’une partie de la population hexagonale partage ces idées nauséabondes qu’une partie de la classe politique participe à légitimer, sacrifiant toute ambition de concorde républicaine sur l’autel de leur ambition politique individuelle. De fait, cela amène une partie des ultramarins à revisiter les relations entre Paris et nos territoires.

 

Comment jugez-vous la politique de Manuel Valls depuis qu’il est ministre des Outre-mer ?

Je n’aime pas personnaliser les débats. Je reste factuel, et le ministre d’État chargé des Outre-mer sera jugé sur des actes concrets et uniquement sur cela.

Pour moi, Manuel Valls est un pilote manchot à la tête d’un attelage Outre-mer qui réunit douze territoires extrêmement différents établis dans trois océans. Il me paraît évident qu’il n’a pas les moyens de faire face aux réalités multiples de nos territoires.

Je ne me suis jamais joint au concert de louanges à l’égard de Manuel Valls, car je sais combien la tâche est difficile, les attentes multiples et le désarroi des territoires immense.

Concrètement, si les paroles et la communication sont encourageantes, les actes concrets se font toujours attendre. Pour réussir, il faut du temps, de l’écoute, se tenir éloigné des coups de communication et enfin apporter une réflexion systématique et différenciée pour chacun de nos territoires dits d’outre-mer, qui méritent bien mieux que d’être réduits au rang de richesse inestimable pour la France.

 

Des projets sont annoncés de loi contre la vie chère, d’adaptation du droit national et européen aux outre-mer au Sénat. Quelles devraient être pour vous les priorités pour les Outre-mer ?

Certes, la question de la vie chère est une priorité pour beaucoup de nos compatriotes. Cependant, ma conviction c’est que l’État doit enfin prendre en compte les réalités de chaque territoire ultramarin. Ne pensons pas qu’une loi globale pourra intégrer les singularités de chacun de nos territoires. La seule urgence est donc celle qui consiste à se mettre à l’écoute de chacun et de prendre des mesures adaptées.

Mon rapport d’information parlementaire sur l’évolution institutionnelle des territoires ultramarins est déjà une première contribution pour connaître les attentes de nos populations et les caractéristiques de chaque territoire dit d’outre-mer.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication

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